La méthode maçonnique peut-elle participer à la construction d’un monde meilleur?
Le but d’une méthode est de substituer une idée claire, exacte et complète à une notion confuse, superficielle et incomplète.
Le but de la méthode maçonnique est de substituer une humanité dans laquelle l’acceptation de l’autre avec toutes ses différences serait une évidence et naturelle à une humanité dans laquelle l’acceptation de l’autre est exception.
Pour atteindre ce but le Grand Orient de France met à disposition de ses membres des moyens et une méthode :
Des moyens qui sont définis par l’article 1° de sa constitution
Une méthode qui consiste:
- à tenter de polir « l’être » en taillant le « moi » par un travail assidu, qu’il soit individuel ou collectif.
- à répandre au dehors les vérités qu’il aura ainsi acquises.
- à préparer, l’avènement d’une humanité meilleure et mieux éclairée dans laquelle règnera la tolérance et où les valeurs de Justice, de Liberté, de Solidarité, de Fraternité et d’amour ne seront plus des mots dont on se gargarise mais une volonté ferme et résolue. Ce travail de tout les instants qui, prenant appuis sur le passé, forge le présent et prépare l’avenir.
Alors, cette méthode peut-elle participer à construction d’un monde meilleur ?
Certainement… mais, quel monde ? Le monde physique? Le monde vivant? Ou de façon plus restrictive celui des Humains qui pensent égoïstement que la construction d’un monde meilleur pour eux est, de facto, meilleur pour tous. Mais cette dimension seule, à notre sens, ne pourra pas résister encore longtemps sans y englober les autres tant aujourd’hui leur interdépendance est étroite.
Nous n’aborderons pas le sujet sous cet angle aujourd’hui, en considérant que « Le monde » évoqué par la question ne concerne que l’humain car la franc-maçonnerie, crée par l’homme et pour l’homme, n’a d’autre objectif que de s’occuper de celui–ci dans sa dimension sociale, créative et spirituelle.
En cela, nous prendrons le sujet dans sa globalité en ne dissociant pas l’esprit et les objectifs de l’idéal maçonnique du G.O.D.F définis par les moyens mis à disposition, de la méthode qui est le vecteur qui en assure leur diffusion.
Car il va sans dire que si la méthode structure pour diffuser c’est tout de même le contenu des valeurs qu’elle permet de véhiculer qui peuvent participer de la construction d’un monde meilleur.
Le présent travail, sans vouloir méconnaitre l’importance que peuvent revêtir l’étude du sacré et l’apport de l’art dans le perfectionnement intellectuel et l’amélioration morale de l’humanité, en fera toutefois abstraction afin d’en souligner sa dimension sociale.
A ce stade de notre réflexion et afin d’en éclairer l’approche, il nous apparaît nécessaire d’effectuer un bref rappel historique :
Au 17 et 18° siècle le contexte politique social et religieux entretenait des conflits partout en Europe. Les intellectuels mettaient en cause les certitudes religieuses et la paix sociale nécessitait une plus grande tolérance dans le domaine des religions. Cette préoccupation, qui agitait les esprits, se retrouvait aussi dans maçonnerie spéculative naissante. Au début du 19ème siècle, dans tous les rituels publiés, l’invocation au Grand Architecte De L’Univers ne figurait que dans la prestation de serment. Il semble cependant que l’interprétation divine du G.A.D.L.U. était la plus généralement acceptée pour se conformer à ce que souhaitaient les gouvernants de l’époque. Plus tard en 1849 la majorité conservatrice du convent, troublée par les événements de 1848 fait adopter et intégrer dans la constitution « le Principe de l’existence de Dieu et de l’immortalité de l’âme ». Cette affirmation venait en opposition avec la notion de liberté de conscience et de tolérance. A compter de 1860 et presque à tous les convents, des batailles sont livrées pour aboutir en 1877 à la révision de l’article 1°. A compter de cette date et afin de permettre à chaque maçon d’y trouver sa place, l’assemblée conventuelle précise que la Franc Maçonnerie n’est ni déiste, ni athée, ni même positive. Et, qu’en tant qu’institution affirmant et pratiquant la solidarité humaine, elle EST étrangère à tout dogme et à tout crédo religieux.
En conséquence, le Convent de 1877 décide le remplacement du principe de l’existence de Dieu et de l’immortalité de l’âme par le principe unique « De la liberté absolue de conscience » permettant ainsi à chacun de ses membres, l’exercice d’une spiritualité à l’abri de toute contrainte autre que celle librement consentie par l’acceptation des principes généraux de l’ordre définis par l’article 1° de la constitution dont lecture ci après :
« La franc maçonnerie, institution essentiellement PHILANTHROPIQUE, PHILOSOPHIQUE et PROGRESSIVE, a pour objet
- LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ
- L’ÉTUDE DE LA MORALE
- LA PRATIQUE DE LA SOLIDARITÉ.
Elle travaille à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité.
Elle a pour principes :
- LA TOLÉRANCE MUTUELLE
- LE RESPECT DES AUTRES ET DE SOI -MÊME
- LA LIBERTÉ ABSOLUE DE CONSCIENCE.
Considérant les conceptions métaphysiques comme étant du domaine exclusif de l’appréciation individuelle de ses membres, elle se refuse à toute affirmation dogmatique.
Elle a pour devise : LIBERTÉ ÉGALITÉ FRATERNITÉ. »
Les moyens ainsi définis, et ayant déjà une réponse sur le pour qui (l’humanité), essayons succinctement d’approcher le sens du pourquoi (l’idéal) afin de déterminer si le comment (la méthode) peut participer de la construction d’un monde meilleur.
INSTITUTION ESSENTIELLEMENT PHILANTHROPIQUE, PHILOSOPHIQUE ET PROGRESSIVE .
La franc-maçonnerie se définit comme une institution, c’est à dire une réunion d’hommes ayant des buts et des aspirations communs. Même si la démarche du franc maçon se conçoit d’abord comme individuelle, elle se réalise surtout avec et au contact d’autres. Il s’agit bien d’un parcours initiatique « en réunion » car la franc-maçonnerie serait inexistante et inopérante sans cette interdépendance, cette symbiose, et cet égrégore qui règnent entre les frères. Si la personnalité de chacun est essentielle, être franc maçon c’est également faire partie d’un tout, d’un édifice dans lequel chaque pierre, qu’elle soit brute ou polie, est un élément indispensable à son équilibre et à son maintien.
Elle se veut essentiellement PHILANTHROPIQUE, PHILOSOPHIQUE et PROGRESSIVE,
La philanthropie, mérite que l’on s’y attarde un instant car elle est la base de l’action maçonnique, elle est une vertu douce, patiente et désintéressée qui utilise la connaissance de sa propre faiblesse pour compatir à celle d’autrui et ne demande que le bien de l’humanité.
Mais bien que la philanthropie, dans son sens premier soit synonyme de charité ou amour de l’humanité nous assistons aujourd’hui à un détournement de celui-ci. Sous son couvert nous subissons le développement de l’action de puissantes fondations à travers le monde dont le but plus ou moins avoué ne s’inscrit pas dans une démarche humaniste mais dans une forme d’engagement qui invite à reconsidérer assez sérieusement ce principe de solidarité qui nous est si cher afin de le remplacer par un principe de charité privée dans lequel la sensibilité de celui qui reçoit sera soumise aux impératifs de l’égo de celui qui donne lui-même soumis à l’influence de ses options philosophiques ou religieuses.
Au même titre que les valeurs portées par la méthode maçonnique peuvent subir l’influence de ces mêmes options dont elle se réclame et dans lesquelles elle évolue.
Mais qu’est ce que la philosophie et à quoi sert- elle ?
Reprenons à notre compte la maxime d’Epicure : La philosophie est une activité qui, par des discours et des raisonnements nous procure la vie heureuse …..
Les discours et les raisonnements, nous savons faire et eux aussi participent de la méthode maçonnique, mais contribuent- ils à construire un monde meilleur ?
Alors essayons de ne pas êtres dupes des petits bonheurs faciles et trompeurs qui s’obtiennent en cachant la réalité. Chacun de nous ressent bien que :
-« l’avoir » ne nous est pas suffisant et que « l’être » nous est indispensable.
-la recherche de cette exigence de perfection qui nous a conduits dans ce temple, nous apprend que philosopher c’est préférer la vérité même si elle est contraire à nos espérances.
-philosopher c’est la recherche de la connaissance, c’est tenter d’approcher la sagesse, c’est apprendre à vivre et à aimer la vie.
-aimer la vie c’est aimer les joies qu’elle procure et en accepter les drames qu’elle fait subir, c’est chercher à changer les choses qui dépendent de nous pour les améliorer et c’est aussi accepter, sans colère inutile et avec tolérance, celles qui n’en dépendent pas.
Et en ce sens La Franc-maçonnerie est progressive car elle oblige le franc-maçon à agir en homme conscient de ses droits et de ses devoirs, acteur d’un progrès sans cesse à inventer dans la recherche du vrai, l’étude de la morale et la pratique de la solidarité.
LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ
Afin de ne pas réduire l’anthropologie à une seule étude physique ou historique de l’humanité, Kant a jugé nécessaire d’établir une anthropologie philosophique,élément indispensable et indissociable dont la sagesse prend en compte le perfectionnement de l’humanité, c’est à dire le progrès dans cette société « où l’homme se civilise, se moralise par l’art et les sciences »
Or, ces développements ne sont rendus possibles que par le caractère transcendantal de l’homme lui permettant de s’élever au dessus des lois de la nature. Ces lois il les découvre, essaie de les comprendre et les utilise. Cet homme que Voltaire désigne comme « Un animal pas comme les autres », est ainsi capable de découvrir et de dévoiler l’ordre du monde grâce à la raison qui le destine à mettre en jeu toutes ses puissances mentales pour acquérir une connaissance VRAI.
Alors s’il est vrai que l’homme est essentiellement « pensée et liberté », si exister pour lui, signifie donner un sens à tout et si, pour ce faire, il s’interroge et cherche à comprendre sans relâche le pourquoi de son interrogation , alors nous pouvons entrevoir la nature de son désir et son but. Ce désir que Platon dans le « banquet » nous fait appréhender comme « vouloir la chose dont on ne dispose pas encore » est pour chacun ce besoin vital et nécessaire d’accéder au VRAI à LA VÉRITÉ. Et nous savons que pour cela nous devrons livrer bataille car si la vérité est à découvrir, à dévoiler, elle n’est jamais donnée elle est toujours conquise.
« Nous devons gagner à la sueur de notre front, le pain de notre esprit » disait Malebranche.
Mais qu’est ce que la vérité ? Où et comment la trouver ? En suis je capable ?
Voilà les questions que se pose le franc-maçon et auxquelles nous n’apporterons pas de réponse car si la vérité philosophique se définit comme la conformité de ce que je dis avec ce qui est , nous savons tous que sa recherche est subjective et que chacun de nous doit toujours garder présent à l’esprit cette phrase d’André GIDE:
« Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent »
L’ÉTUDE DE LA MORALE
L’étude des règles qui dirigent l’activité libre des hommes n’est pas le fait du hasard si elle constitue un élément important de l’objet du G.O.D.F. Il relève du débat permanent au sein de la loge ,que la recherche de la connaissance vrai de la morale n’est jamais définitive et ne doit relever d’aucun dogme.
Ces règles librement consenties hors du dogme délimitent cet espace de liberté, dans lequel chacun de nous évolue sans entraves ni interdits. Elles marquent le degré de civilisation d’une société et participent du bien vivre ensemble.
Là où les morales religieuses s’affirment, sans autres soucis d’explications que celles relevées dans les écrits livrés à l’interprétation d’un clergé, nous constatons à la lumière d’évènements récents qu’il n’est pas nécessaire de rapporter combien cet espace de liberté peut être restreint.
En franc maçonnerie, quand elle se juge et se commande, la morale n’est que l’affirmation de la liberté. Elle répond à la question « que dois-je faire » et ignore totalement le « que doivent faire les autres » soulignant ainsi les devoirs et les obligations que nous nous sommes fixés.
Et c’est parce qu’elle participe à une certaine conception du bien et du mal de l’autorisé et de l’interdit, de l’admissible et de l’inadmissible que la morale est en perpétuelle évolution. Toute règle librement consentie a une relation de soi à autrui bien entendu mais elle s’impose d’abord à soi comme le dit COMTE SPONVILLE pour qui « la morale n’est légitime qu’à la première personne sinon l’on n’est pas moral mais moralisateur ce qui est sensiblement différent. »
Les conséquences de la crise économique que nous vivons ne viennent – elles pas illustrer quotidiennement cet écart entre le discours moralisateur de ceux pour qui la loi morale est la cupidité et le cynisme et la pratique d’une entraide, d’un altruisme, bref d’une fraternité et d’une solidarité entre ceux qui souffrent.
LA PRATIQUE DE LA SOLIDARITÉ
Le rituel du rite français précise ainsi qu’il suit les termes de l’obligation prêtée par le nouvel initié :
« Je promets … et de mettre en pratique, en toutes circonstances, la grande loi de solidarité humaine qui est la doctrine de la franc-maçonnerie »
« Je pratiquerai l’assistance envers les faibles, la justice envers tous, le dévouement envers ma famille, ma patrie et envers l’humanité, la dignité envers moi-même. »
C’est aujourd’hui, dans ce monde en tourmente et qui souffre, dans ce monde qu’il soit physique vivant ou humain, que nous pouvons mesurer toute l’importance de cette valeur, de cette règle morale qu’est la solidarité. La franc-maçonnerie l’a voulue seulement humaine et l’a érigée en doctrine, mais ne serait-il pas nécessaire d’en étendre ses bienfaits aux mondes physique et vivant afin de ne pas en épuiser les ressources et d’en protéger les espèces.
La pratique de la solidarité, sous toutes ses formes, chacun de nous se doit au sein de la maçonnerie d’en faire une règle morale incontournable car c’est en partie par elle et la diffusion de cette chaleur humaine que nous puisons dans le travail en loge que nous pourrons participer à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité. Cette chaleur humaine qui s’alimente des principes capitaux de notre ordre que sont la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, et la liberté absolue de conscience
LA TOLÉRANCE
Tolérer c’est :
- accepter l’opinion contraire,
- laisser faire ce que l’on pourrait empêcher ou combattre,
- c’est renoncer, sans abandonner, à une part de sa force, de son pouvoir, de sa colère,
- c’est déposer et non abandonner ses métaux à l’extérieur comme à l’intérieur du temple.
La tolérance intervient quand la connaissance fait défaut en nous laissant dans le domaine des opinions. Elle fait abstraction du « moi » au bénéfice d’autrui. Elle nous oblige à nous remettre en question en nous laissant entrevoir que ce que nous tenions pour vrai ne l’est sans doute pas plus que la vérité de l’autre. Elle ne peut se concevoir que si l’action ou l’opinion tolérée n’est pas contraire à la règle morale où à la loi.
La tolérance mutuelle, est un principe fondateur de la franc-maçonnerie. Elle est le fruit d’un respect et d’une confiance réciproque entre les frères. Mais d’une confiance encore modérée dans son action dans le monde profane. Confiance modérée car dans ce monde où le cynisme et l’égoïsme règnent en maitre, le respect et l’indulgence apparaissent encore comme une faiblesse. Ce monde dans lequel la souffrance de l’autre, qu’elle soit physique ou morale, est intolérable et inacceptable pour un maçon. Son acceptation devient soit cruauté, soit égoïsme ou même indifférence.
Cependant poussée à sa limite, la tolérance finirait par se nier elle même et deviendrait faiblesse ou laxisme, servant de terreau au développement de l’intolérance. C’est ce que Karl Popper philosophe des sciences contemporain appelait le paradoxe de la tolérance et qu’il exprimait ainsi « Si l’on est d’une tolérance absolue, même envers les intolérants et que l’on ne défende pas la société tolérante contre leurs assauts, les tolérants seront anéantis et la tolérance avec eux. »
Pourtant, la maçonnerie ne nous enseigne-t-elle pas que c’est par l’acceptation de l’opinion de l’autre, le respect et l’instauration d’une confiance réciproque que nous progresserons vis à vis de ceux qui ne la respecte pas. Il s’agit donc et dans tout les cas, d’une évaluation des risques où si l’on préfère, du degré de respect et de confiance que nous devons accorder. Tolérer devient avant out une démonstration de force. Que nous abordions sa dimension politique, morale, ou religieuse, la tolérance n’existe que parce que nous permettons ce que nous sommes en mesure d’interdire ou en tout cas capable d’affronter efficacement. Il m’est facile de tolérer une opinion différente de la mienne si je me sens suffisamment fort pour ne pas être mis en danger
En voici un exemple : Je cite :
« Tous ceux qui ne se soumettent pas à la vérité sur le bien et sur le mal moral, vérité établie par la loi divine, norme universelle et objective de la moralité, tous ceux là vivent dans le péché.
Il n’y a de liberté ni en dehors de la vérité ni contre elle.
La vérité morale s’impose à tous et ne saurait dépendre ni des cultures, ni de l’histoire, ni d’une quelconque autonomie de l’homme ou de la raison. C’est la voix de Jésus Christ, la voie de la vérité sur le bien et le mal qu’on entend dans la réponse de l’église »
Ces paroles sont extraites de l’encyclique « veritatis splendor » publiée par Jean Paul II en 1993.
Cet exemple, en tant que maçons du G.O.D.F, il m’est facile de le tolérer car son affirmation se heurte à la force de mes convictions forgées dans le principe de liberté absolue de conscience et au refus de toute affirmation dogmatique.
Ce principe même et cette affirmation qui rendent à l’homme sa liberté de choisir le cadre dans lequel il souhaite que celle- ci s’exerce, m’incitent devant les propos d’une rare violence tenus récemment par la même institution à pratiquer l’intolérance et à prolonger mon action dans une laïcité qui, au regard de ce qui précède, ne peut être que la forme institutionnalisée de la tolérance.
LE RESPECT DES AUTRES ET DE SOI MÊME- LA LIBERTÉ ABSOLUE DE CONSCIENCE – REFUS DE TOUTE AFFIRMATION DOGMATIQUE
Nous avons évoqué un peu plus haut que le respect des autres était une composante indispensable à la tolérance pour tisser ce lien de confiance nécessaire à l’épanouissement des relations humaines. Le respect c’est considérer l’autre dans un rapport d’égalité, établir une distance suffisante pour ne pas empiéter sur ses convictions, ou son intimité. Le respect c’est également l’accepter dans ses différences.
Se respecter soi-même c’est avoir conscience du respect que devons aux autres.
Et maintenant, une fois n’est pas coutume, si nous parlions un peu du G.A.D.LU!
Comme nous l’avons indiqué dans notre bref rappel historique la volonté du convent de 1877, de rejoindre l’esprit initial des constitutions d’ANDERSON, œuvre pour une liberté absolue de conscience en précisant que les conceptions métaphysique sont du domaine exclusif de l’appréciation individuelle de chacun.
Le fait de ne pas croire en un dieu révélé ne signifie pas que nous sommes contre toute spiritualité religieuse, contre toute métaphysique. Mais bien au contraire pour une spiritualité résultant du fonctionnement du cerveau qui permet dans ces domaines une évolution par l’interprétation. Cette évolution dont notre frère PROUDHON un des chefs spirituels de l’anarchisme nous en montre le chemin.
Replaçons-nous à son époque (1809- 1865) et écoutons son propos le jour de son initiation à la R.L SPUCAR à l’orient de Besançon. Au cours de l’épreuve du cabinet de réflexion à la question d’usage à cette époque qui était : quels sont vos devoirs envers Dieu ? Il répondait « GUERRE A DIEU ».
C’est lui qui quelques temps plus tard, écrivait, dans une apostrophe devenue célèbre « Nous étions comme des Néants devant ta majesté invisible à laquelle nous donnions le ciel comme dais et la terre comme escabeau; et maintenant te voilà détrôné et déchu. Ton nom, le dernier mot du savant, la sanction du juge, la force du prince, l’espoir du pauvre, le refuge du coupable, ce nom désormais voué au mépris et à l’anathème, sera sifflé parmi les hommes; car dieu c’est hypocrisie et mensonge, Dieu c’est tyrannie et misère ; Dieu c’est le mal ».
Et ce même PROUDHON après avoir été initié aux symboles de la maçonnerie, n’hésita pas à écrire je cite :
« Après avoir subi les épreuves, ….Par delà un cérémonial dont quelques détails peuvent être discutables, il est une PHILOSOPHIE, supérieure qui ne COMMUNIQUE POINT, et que je ne puis révéler, bien qu’elle constitue selon moi le véritable mystère de la Franc-Maçonnerie: le conceptualisme, la négation de toute phénoménalité, l’affirmation de l’absolu, tel est le caractère fondamental de toutes les doctrines religieuses. Le G.A.D.L.U n’est ni substance, ni cause, ni créateur, ni rédempteur, ni Satan, ni rien de ce qui correspond à un concept TRANSCENDANT. Toute métaphysique est ici écartée. C’est la personnification de l’équilibre universel, il tient le compas, le niveau, l’équerre et le marteau. Dans l’ordre moral, il est la justice. La maçonnerie n’est pas une église. Elle ne repose pas sur un dogme ni sur une adoration, elle n’affirme rien que la raison ne puisse pas comprendre.
Sous le BÉNÉFICE DE CETTE INTERPRÉTATION, je consens à rendre gloire au G.A.D.L.U dont le lumineux triangle, plus précieux pour moi que le nom d’un Jehova cruel et vindicatif m’a révélé toutes ces choses » Mais PROUDHON ajoutait
« Il faut être étrangement pauvre d’esprit, ce me semble, pour ne pas voir que le rationalisme tolérant de la F.M fondé sur le dédain de toute théologie et sur la substitution d’une idée positive et réelle au concept métaphysique, est la négation même de l’élément religieux, remplacé par l’idée de Justice dans la conscience du F.M. »
C’est sans contestation une évolution chez PROUDHON, mais le fond de sa pensée rejette toujours toute transcendance, pour se loger dans l’immanent, dans le présent, dans le réel, dans ce que la raison peut clairement comprendre.
Alors mes frères concentrons notre esprit sur la réalité de notre contact avec l’univers dont nous sommes partie intégrante et poursuivons la recherche de la vérité, l’étude de la morale et la pratique de la solidarité. Ainsi l’article 1° de notre constitution, enrichi des commentaires qui l’accompagnent, rattache la franc-maçonnerie, tout au long de son histoire, au domaine des valeurs morales et nous fait entrer avec celui de la sagesse qui englobe l’expérience spirituelle de l’humanité. Cette sagesse qui couvre un champ plus vaste que la spiritualité inclus des chemins profanes plus laïques.
Appliquons nous à réaliser une Franc-Maçonnerie collée aux réalités de l’univers et de la planète, ne poursuivons pas d’infructueuses cogitations apparemment métaphysiques sur lesquelles ni notre esprit, ni nos neurones n’auront prises. Tout cela nous détournerait de notre tâche d’amélioration de la société. Même si, chronologiquement, avant ou après la création de l’univers, à côté de notre hypothétique fonction d’architecte, de maitre d’œuvre, il y avait un maitre d’ouvrage, aujourd’hui son existence relèverait du domaine exclusif des conceptions métaphysiques et dogmatiques ce qui, de mon point
de vue, l’exclurait du champ de la Franc-Maçonnerie.
Pour conclure, nous dirions que « la méthode maçonnique » n’est autre que celle que nous venons d’appliquer à la rédaction de cette planche. Elle consiste en un tout dans lequel l’analyse est inséparable de la synthèse. Méthode, dans laquelle partant d’un principe général nous essayons d’en déduire toutes les idées que ce principe contient, d’en extraire les plus fécondes, et d’en étendre leur bienfait à l’humanité par une action tant individuelle que collective avec l’aide des moyens de communication moderne en faisant apparaître une franc maçonnerie sans mystères au service de l’homme.
En ce sens la méthode maçonnique participe à la construction d’un monde meilleur.
Si nous avions à la définir par un seul mot, Nous l’appellerions philanthropie
-car comme elle, c’est par l’apprentissage et l’utilisation de la connaissance de nos propres faiblesses que nous parvenons à laisser nos métaux à la porte du temple.
-Car comme elle, la maçonnerie se pratique comme une vertu patiente et désintéressée.
-Car comme elle, elle ne demande que le bien de l’humanité
Nous terminerons en citant une phrase de DESCARTES dont la maçonnerie, un siecle plus tard, s’est emparée et a instituée en méthode :
« L’on s’écoutera parler les uns les autres avec douceur et respect, sans faire paraître jamais de mépris pour ce qui sera dit dans l’assemblée. L’on ne s’étudiera point à se contredire, mais seulement à rechercher la vérité«
V.G.
En effet, et cela est mentionné dans la première partie de notre article, il y a des vérités et non une seule. Nous laissons cela aux adeptes de dogmes.Votre définition de l’homme libre implique un détachement de son environnement très poussé: société et famille; vaste programme.
Les faits, ou leurs visions, passent par des filtres: sociétaux, culturels, cultuels, moraux, etc… ce qui contribue à générer des approches différentes voire opposées d’un même fait selon les individus sur la planète. Les concilier parait une tâche insurmontable. Il nous faut, modestement, rassembler les femmes et les hommes qui cherchent dans cette voie et leur permettre, non pas d’avoir une pensée unique, mais enrichie et donc évolutive vers une vision humaniste du monde.
C’est une de nos mission au Grand Orient de France, y parvenons nous? Ce serait prétentieux que de l’affirmer; en tous cas nous nous y essayons!
Il n’y a pas une Vérité, il y a des vérités, comme autant d’individus, de sensibilités, d’histoires. Comment les concilier.
Il y a plus fort que la morale, la volonté de gagner, pas tout seul mais avec les autres. Le Gagnant/ gagnant. Un homme libre est un homme qui s’est affranchi des contraintes de la société, de la famille et qui est conscient de ses relations de dépendance avec le monde et son histoire. Je pense qu’il y a un travail d’individuation sur l’individu. Après tout la morale n’est que quelques bribes d’un savoir de base. L’homme libre va plus loin. Non seulement, il intègre les principes, mais il en fonde de nouveaux.
Bien à vous
le développement de la notion » progressive » m’a laissé sur ma faim …
Pratiquement escamotée.
Elle fait pourtant partie du ternaire de l’art. 1° de la Constitution.
Comment le F.M. est-elle progressive, et comment ne pas confondre avec progressiste.
Ou bien les 2 termes peuvent-ils se rapprocher à un moment, aller dans le même sens ?
très bon article